5 à 7 %, des enfants en âge scolaire souffrent de troubles spécifiques des apprentissages selon l’INSERM¹. La dysorthographie est l’un de ces troubles, et concerne le langage écrit, en particulier l’acquisition et la maîtrise de l’orthographe.
Selon sa sévérité, elle a des conséquences sur la vie scolaire de l’enfant, mais aussi sur son estime personnelle.
Qu’est-ce que la dysorthographie ? Comment la prend-on en charge et quels sont les aménagements possibles lors de la scolarité ?
La dysorthographie : qu’est-ce que c’est ?
Définition de ce trouble
Ce trouble spécifique des apprentissages (TSA), existe sous trois formes :
- La dysorthographie phonologique est la plus fréquente. L’enfant éprouve des difficultés à associer les sons qu’il entend aux lettres (ou groupes de lettres), à segmenter une phrase en mots, un mot en syllabes, une syllabe en sons. Il peine à mémoriser l’écriture des sons complexes et à maîtriser les règles d’orthographe grammaticale.
- La dysorthographie de surface concerne la mémorisation de l’orthographe d’usage des mots. La transcription oral/écrit ne lui pose pas de problème.
- La dysorthographie mixte rassemble les difficultés des deux typologies précédentes.
Elle est souvent détectée par l’école, après le CP et le CE1, car durant ces deux années, les difficultés relèvent souvent de l’ordre de l’apprentissage normal, comme c’est le cas également pour l’apprentissage de la lecture.
En effet, les enfants apprennent dès la GS à transcrire phonologiquement les sons en lettres afin d’écrire des mots, et ce, peu importe l’orthographe usuelle. Puis ils se familiarisent peu à peu avec l’orthographe des mots acquis.
Une personne dysorthographique éprouve beaucoup de difficultés à apprendre et à maîtriser l’orthographe.
La dysorthographie peut être plus ou moins sévère, mais elle impacte souvent la vie personnelle et professionnelle ainsi que l’estime de soi. D’ailleurs, l’approche de soins doit être globale et prendre en compte l’état émotionnel de l’enfant à savoir de quelle façon il vit son trouble et ses impacts sur le quotidien et vis-à-vis de leurs pairs. Une étude de l’INSERM² montre que lors d’un examen médical, 28 % des 173 enfants présentant un trouble spécifique des apprentissages, éprouvaient des difficultés psychoaffectives.
Ses origines
Les origines de ce trouble ne sont pas encore établies avec certitude.
Nous savons cependant que la dysorthographie est souvent associée à une dyslexie (trouble de l’apprentissage de la lecture). La dysorthographie peut toutefois exister seule.
Pour en savoir davantage, nous vous proposons cet article, Comprendre la dyslexie : le guide complet
Les études portant sur ce trouble ont mis en évidence deux types de causes possibles : neurologique et héréditaire.
Ce trouble peut être neurodéveloppemental et découler d’un dysfonctionnement du développement du système cérébral pendant la grossesse même si ces mécanismes n’ont pas encore été complètement expliqués.
Son origine peut être héréditaire : quand des membres d’une famille (parents, fratrie) sont déjà touchés par un trouble du langage écrit, le risque est plus important d’en souffrir aussi.
Mais d’autres facteurs peuvent être considérés comme aggravants et favoriser une dysorthographie :
- la prématurité
- des troubles psychoaffectifs au moment des apprentissages fondamentaux qui rendraient les enfants moins disponibles, moins motivés et qui provoqueraient ainsi des blocages.
- un milieu environnemental socialement et/ou culturellement défavorisé pourrait avoir une incidence. La stimulation langagière est essentielle dans le développement du jeune enfant et son absence pèserait lourd dans la mise en place des mécanismes complexes liés à l’acquisition du langage oral, mais aussi du langage écrit.
- la place des écrans. Selon une étude menée en Ille-et-Vilaine sur un groupe d’enfants âgés de 3 ans et demi à 6 ans et demi, les enfants exposés aux écrans le matin avant l’école sont six fois plus à risque de développer des troubles du langage (oral et écrit ).
Découvrez notre article Les écrans à l’assaut des cerveaux de nos enfants.
Signes de la dysorthographie
À la fin du CE1 (P2 pour les Belges), les enfants qui peinent à transcrire un mot oral en un mot écrit doivent attirer l’attention. En effet, à cette période de leur scolarité, ils maîtrisent en principe cette compétence.
Un élève dysorthographique ressent une grande fatigue lors des tâches d’encodage et de production d’écrits.
Il peine à comprendre le concept de permanence de l’écriture, c’est-à-dire que les mots s’écrivent toujours d’une même façon (là où l’écriture phonétique varie quand les enfants débutent leur apprentissage. En CP / P1, l’enseignant acceptera qu’un enfant écrive serpent avec un « an ».).
Un enfant touché par ce trouble a tendance à déformer des mots : il ajoute, oublie, inverse des lettres ou des syllabes. Ex :
Il est difficile pour lui de différencier les sons ou graphies proches (au/eau ; on/om). Les homonymes sont un casse-tête pour lui (cour/court).
Il segmente mal les mots d’une phrase et colle ainsi les mots (Legarçon va à lécole).
Il peine à mémoriser les mots même fréquemment rencontrés.
La syntaxe de ses phrases est rarement correcte : les mots peuvent ne pas être dans l’ordre, il peut en oublier. Tout ceci entrave la bonne clarté de ses écrits.
Enfin, il ne parvient pas à appliquer les règles d’accord et la conjugaison lui pose problème également.
La prise en charge de la dysorthographie
Ce sont souvent les enseignants ou les parents qui prennent conscience des difficultés particulières de leur enfant dès le passage à l’école primaire.
Le diagnostic
Afin de diagnostiquer un enfant, il est indispensable d’attendre qu’il ait bénéficié de l’enseignement de l’orthographe qui débute au CP / P1.
L’idéal pour établir le diagnostic d’une dysorthographie est de patienter au moins jusqu’à la fin du CE1 (P2 pour les Belges) afin que l’enfant ait eu le temps de se confronter aux apprentissages orthographiques.
Le dépistage passe par un bilan orthophonique/ logopédique ( en Belgique), prescrit par un médecin et pris en charge par la sécurité sociale. Le niveau de l’enfant est comparé à la moyenne de son âge par le biais de tests orthonormés.
L’orthophoniste évalue le langage écrit autour de 2 champs principaux :
- la lecture
Lire c’est décoder et accéder au sens de ce qui est écrit c’est-à-dire comprendre. Pour identifier les mots écrits, il faut comprendre le fonctionnement du « code écrit », c’est-à-dire le rapport entre les graphèmes (les lettres ou groupes de lettres) et les phonèmes (les sons) c’est-à-dire le rapport entre les lettres ou les groupes de lettres.
L’orthophoniste évalue notamment la capacité de l’enfant à associer un son à une lettre ou groupe de lettres et sa faculté à accéder au sens de ce qu’il lit tout en mesurant la fluence, c’est-à-dire sa vitesse de lecture.
- la production d’écrit
Le bilan permettra d’apprécier la façon dont l’enfant « encode », c’est-à-dire, transcrit un son en une lettre ou groupe de lettres.
Une autre partie vérifiera sa maîtrise des différents processus orthographiques :
- l’orthographe lexicale : ex : la façon usuelle d’écrire un mot : avec « en » ou « an », avec « ph » ou « f », etc.
- l’orthographe grammaticale grammaire : ce sont les règles d’accords et de conjugaison,
- la segmentation qui consiste à séparer correctement les mots dans une phrase
Différents items sont réalisés : une dictée de syllabes, de mots (réguliers et irréguliers), de phrases et de textes ainsi qu’une dictée de pseudo-mots (qui n’existent pas dans la langue et qui n’ont donc pas de sens)
Une production d’écrit peut également être réalisée afin d’évaluer la capacité à mener un récit tout en veillant à l’orthographe et à l’application de ses règles.
Même si les difficultés concernent le langage écrit, l’orthophoniste pourra aussi vous proposer un bilan du langage oral, car des difficultés dans ce domaine peuvent avoir une incidence sur le développement de la lecture et de l’orthographe.
Une mauvaise articulation de mots et une difficulté à construire des phrases correctes peuvent en effet avoir des conséquences sur le développement du langage écrit.
De la même façon, un manque de vocabulaire, des soucis de compréhension de phrases ou de récit peuvent gêner la compréhension de la lecture.
Il est important d’écarter les autres causes qui pourraient expliquer les difficultés relatives à l’écriture. Pour parler de dysorthographie, il faut être face à un enfant qui ne présente pas de retard cognitif particulier, qui a appris les règles d’orthographe et qui malgré tout n’y arrive pas. Si cela vient d’un problème relatif à l’apprentissage de l’orthographe à l’école, il ne s’agit pas de dysorthographie.
- Si l’intelligence est normale voire supérieure,
- s’il n’y a pas d’autre facteur causal (déficience auditive, visuelle, neurologique, psychologique, etc.)
- si l’écart est significatif (au moins 18 mois à 2 ans de retard par rapport à l’âge théorique d’apprentissage de la lecture fin ce1 début Ce2),
Alors, l’orthophoniste pose le diagnostic de trouble d’apprentissage et en évalue sa gravité.
Il rédige un compte-rendu écrit qui reprend les résultats aux différents tests et leur analyse ; ce document établit un bilan des difficultés du patient et confirme ou non, le diagnostic du trouble. L’orthophoniste le remet à la famille de l’enfant et au médecin prescripteur.
Si vous souhaitez en savoir plus, découvrez notre article sur le bilan orthophonique
La remédiation
Une fois le bilan orthophonique établi, la remédiation orthophonique / logopédique peut commencer.
Sachez qu’on ne guérit jamais vraiment de la dysorthographie ; les patients apprennent à contourner et à compenser leurs difficultés pour vivre au mieux avec leur trouble.
Plus une prise en charge est précoce et plus elle atténue l’importance des troubles.
En fonction de la sévérité du trouble, l’orthophoniste établit les modalités de la rééducation : objectifs et fréquence des séances. Il outille l’enfant selon sa mémoire (visuelle ou auditive) pour un apprentissage efficace de l’association graphème/phonème (lettre/son).
Il revoit avec son patient les règles d’orthographe et lui donne des moyens mnémotechniques et des stratégies afin de l’aider à contourner ses difficultés.
La prise en charge orthophonique est souvent longue et nécessite plusieurs années. Son efficacité dépendra bien entendu de la sévérité du trouble, mais aussi de la motivation de l’enfant et de l’implication de sa famille.
Si la dysorthographie est sévère ou si des difficultés persistent malgré la remédiation orthophonique, une prise en charge pluridisciplinaire peut être mise en place. Elle sera coordonnée par un médecin spécialisé dans les troubles des apprentissages. D’autres professionnels pourront intervenir, tels qu’un ergothérapeute, un psychologue, un psychomotricien, etc..
La dysorthographie à l’école
Une fois le diagnostic posé par l’orthophoniste, il est souvent nécessaire que l’enfant puisse bénéficier d’aménagements dans sa vie d’élève afin de le soulager des difficultés liées à son trouble.
Les différents dispositifs d’aide et le dossier MDPH
Le bilan écrit rédigé par l’orthophoniste est le point de départ de toute remédiation et aménagement dont l’élève a besoin.
Le compte-rendu orthophonique relève du secret médical, dès lors les parents ne sont pas dans l’obligation de le communiquer à l’école. Cependant, c’est un excellent support qui peut aider l’enseignant à mieux comprendre les difficultés de son élève et ainsi l’aider plus efficacement.
La première possibilité est de formaliser les besoins de l’élève et les remédiations mises en place par l’équipe éducative dans un Plan d’Aménagement Personnalisé (PAP).
Il s’adresse aux élèves de l’élémentaire et du secondaire qui ont des difficultés durables et a pour objectif et leur permettre de poursuivre leur parcours scolaire dans les meilleures conditions.
Dans le primaire il est généralement soumis par l’enseignant et exposé en conseil des maîtres. Le directeur en informe ensuite les parents.
Dans le secondaire, c’est souvent le professeur principal qui est à l’origine de l’initiative.
Il est rédigé en concertation avec la famille de l’élève voire même parfois avec les professionnels de santé lors d’une Réunion d’Équipe Éducative (REE).
Le PAP est soumis au médecin scolaire qui, après étude des pièces et bilans médicaux, valide ou non sa mise en place.
Il est mis en place par l’établissement scolaire et il est réévalué chaque année au regard des progrès et des besoins de l’élève. Il suit l’élève en cas de changement d’établissement.
Si malgré les aménagements mis en place via ce dispositif, la scolarisation demeure difficile ou si les troubles sont trop sévères ou multiples pour faire l’objet d’un PAP, il faut alors constituer un dossier auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH).
Le directeur d’établissement organise une Équipe de Suivi de Scolarisation (ESS) qui réunit le ou les enseignants, le directeur, l’enseignant référent du secteur, les parents et les professionnels de santé qui interviennent dans la prise en charge de l’enfant.
Durant la réunion le GEVAsco est rédigé : c’est la partie du dossier MDPH qui a trait à la scolarisation.
La famille complète la partie du dossier MDPH qui lui revient et fournit l’ensemble des pièces pour permettre à la commission de statuer sur la reconnaissance de la dysorthographie.
La famille reçoit ensuite une réponse à sa demande et une notification qui permet à l’élève de bénéficier de plus d’aménagements dans sa scolarité : aide humaine (AESH), matériel (ordinateur, etc.), suivis spécifiques ou accompagnement d’un service particulier comme un Service Extérieur de Soins de Santé à Domicile (SESSAD).
En découle le Plan Personnalisé de Scolarité (PPS) rédigé par la MDPH qui détermine et coordonne les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins de l’enfant.
Les aménagements concernant la vie de classe
Voici quelques conseils à mettre en place en classe pour un élève dysorthographique afin de le soulager dans son quotidien.
- lui octroyer plus de temps pour la réalisation de ses activités écrites.
- moduler les critères d’évaluation :
- évaluer ses connaissances sans tenir compte des erreurs d’orthographe.
(si l’évaluation concerne la production d’un écrit ou une dictée, ne comptabiliser qu’une seule fois les erreurs de même type et adapter la longueur du contenu) ;
- valoriser les mots bien écrits plutôt que de pénaliser les erreurs ;
- faire épeler le mot à l’élève : bien souvent, il va être capable de l’épeler correctement alors qu’il fait des erreurs en l’écrivant ;
- entraîner un son à la fois et ne pas mélanger des mots qui n’ont aucun lien orthographique les uns avec les autres pour la dictée de mots ;
- mettre en place une grille d’autocorrection ;
- lui mettre à disposition des mémos, des sous-main, un carnet de mots qui l’aident quand il rédige ou relit un contenu, les référents qui aident à l’association des graphèmes et des phonèmes, les règles d’accord, etc.
- lui proposer des jeux pour travailler la mémorisation (mémo, etc.) et pour travailler le repérage visuel (jeu des différences, etc.) ;
- mettre à disposition des banques de mots et des référents pour les productions écrites ou lui permettre de dicter ses productions (fonctionnalité audio d’une tablette, dictée à l’adulte, etc.) pour valoriser sa créativité et ses idées et éviter que l’orthographe ne le bloque ;
- mettre l’élève en situation de réussite : notamment avec des activités orales dans lesquelles il ne rencontrera pas de difficultés liées à la dysorthographie ;
- lui fournir une aide technique telle qu’un ordinateur.
Voici quelques exemples d’aménagements à proposer en classe aux élèves porteurs de dysorthographie :
Les aménagements lors des examens
Si l’enfant bénéficie d’un PAP ou d’un dossier MDPH, il est possible pour lui de bénéficier d’aménagements lors d’un examen, dans le prolongement de ceux dont il bénéficie déjà dans son établissement tout au long de son année scolaire.
Cela lui permet de bénéficier de conditions équitables et d’avoir les mêmes chances de réussite que ses pairs.
Les aménagements consistent en :
- la présence d’un secrétaire lecteur ou d’un secrétaire scripteur
- une assistance à la compréhension des consignes ;
- une majoration de temps (1/3 temps, 1/6 de temps) ;
La demande est faite par la famille par l’intermédiaire de l’établissement scolaire, avec avis du médecin scolaire et des enseignants.
Cette démarche peut faire l’objet d’un refus de la part du médecin désigné par la CDAPH et par les services de l’Éducation nationale. Dans ce cas, un recours est possible.
La dysorthographie est un trouble des apprentissages du langage écrit qui est souvent lié à la dyslexie. C’est l’orthophoniste qui la diagnostique une fois que l’enfant a bénéficié de l’enseignement systématique de l’orthographe et que les difficultés persistent malgré les remédiations en classe.
Une fois que le diagnostic de la dysorthographie a été posé, une remédiation orthophonique débute et des aménagements scolaires sont mis en place pour aider l’enfant à compenser les difficultés liées à son trouble.
Sachez que la dysorthographie est détectable à tout âge. Un adulte qui pense souffrir de ce trouble peut bénéficier d’un bilan et d’une rééducation afin de l’aider à s’épanouir davantage autant dans sa vie personnelle que professionnelle.
¹ https://www.inserm.fr/dossier/troubles-specifiques-apprentissages/
² D’après le Bilan des données scientifiques Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, les éditions INSERM, 2007
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