En quoi la comptine numérique est-elle une activité indispensable pour aider les enfants à construire les nombres ?
Les enfants adorent les comptines : ce sont les premières petites chansons qu’ils apprennent et qu’ils sont fiers de partager avec leurs parents. Elles font partie de leur quotidien en maternelle et sont un excellent support pour les apprentissages. Les comptines numériques ont d’ailleurs une place de choix dans la pédagogie des mathématiques au cours du cycle 1. Essayons de comprendre en quoi la comptine numérique est une activité essentielle en maternelle et pourquoi on pourrait même la qualifier de première phase indispensable à l’acquisition des mathématiques.
Qu’appelle-t-on une comptine numérique ?
Essai de définition
Si vous tentez de chercher ce qu’est une « comptine », vous trouverez de nombreuses définitions. Vous pourrez noter un critère commun, celui de l’oralité. C’est la première chose que nous noterons.
Ensuite, si vous vous intéressez à l’étymologie du mot, vous découvrirez que le terme « comptine » vient du latin « computare » qui signifie « compter ».
Une comptine serait donc un procédé oral qui permettrait de compter.
Par ailleurs, vous noterez qu’il y a très souvent l’idée d’un rythme dans une comptine : on la récite de façon cadencée, on la chante et on y trouve souvent des rimes qui en font une petite mélodie qui plaît tant aux enfants.
Mais intéressons-nous davantage à la comptine qu’on appellera numérique. Soulignons tout de suite que la connaître est différent de connaître la bande ou la frise numérique. Ces termes de » bande » ou de « frise » renvoient en effet à des supports écrits.
Reprenons : la comptine numérique est donc un procédé oral qui permet de mémoriser et de dire la suite numérique, c’est-à-dire d’énoncer les mots-nombres dans un ordre donné.
Dans un document de l’Éducation nationale relatif aux évaluations de CP, on peut lire que ce sont « des comptines enfantines où le nombre apparaît : les nombres sont énumérés dans un jet, dans l’ordre croissant ou décroissant, séparés par un mot ou une série d’amusettes. La suite des nombres peut être fractionnée. »
Selon Benjamin Stevens, l’un des auteurs de la méthode Apili Maths Grande Section de maternelle, c’est une chanson, une poésie ou encore un texte qui va aider les enfants à mieux mémoriser la suite numérique grâce aux rimes, parfois à la mélodie et à la répétition.
La comptine numérique est travaillée dès la petite section et continue à l’être parfois en CP voire en CE1.
Caractéristiques et spécificités
Les comptines numériques ne sont pas toutes construites sur le même schéma.
- Dans certaines d’entre elles, les nombres sont énumérés dans l’ordre croissant ou décroissant. La suite des nombres peut être dite « d’un jet » ou fractionnée c’est-à-dire séparée par des mots ou des phrases :
- Certaines comptines mettent en avant l’aspect ordinal des nombres qu’ils indiquent une position :
- On trouve des comptines dans lesquelles le nombre est abordé sous son aspect cardinal, c’est-à-dire quand il désigne une quantité. Il est variable, car on fait évoluer son ordre de grandeur et il est repris plusieurs fois. Les nombres sont énoncés dans l’ordre croissant ou décroissant.
- Des comptines sont relatives à des augmentations et à des diminutions
- Certaines comptines abordent la notion de décomposition des nombres.
On peut y trouver l’ajout d’un élément successif à chaque reprise (comme dans l’exemple ci-dessous) ou de plusieurs éléments.
Vous pouvez ainsi prendre conscience du caractère évolutif des comptines qui s’adaptent ainsi à tous les âges et à toutes les compétences des enfants.
Pourquoi utiliser les comptines numériques en maternelle ?
Pour leur aspect ludique et engageant
Énoncer des comptines numériques est une activité qui rencontre beaucoup de succès auprès des enfants. C’est un moment joyeux qui est perçu comme un jeu par le jeune public. En effet, les comptines numériques en maternelle sont travaillées en association à des gestes corporels, à de petites formulettes amusantes qui sont facilement illustrables. Les images sont d’ailleurs un très bon support pour favoriser la mémorisation.
Elles peuvent donc être chantées et mimées, ce qui plaît aux enfants. Ils les récitent en classe, en salle de jeux et à la maison. Elles sont une vraie source de motivation !
Ils les apprennent comme une chanson ou un poème et ne se rendent pas comptent qu’ils sont en train de faire des mathématiques, et de travailler le langage bien entendu.
Pour leur intérêt en matière d’apprentissage
L’apprentissage des comptines en maternelle présente de nombreuses vertus pour le développement des enfants et l’acquisition d’habiletés indispensables pour préparer l’acquisition des savoirs fondamentaux. On connaît l’importance de cette activité pour développer le langage et la phonologie : la scansion (la prononciation en détachant les syllabes et les mots) et l’usage de rimes, sont des moyens privilégiés pour habituer l’oreille des jeunes enfants à identifier les sons. Mais ça n’est pas tout !
Pour aider à la mémorisation
Selon Benjamin Stevens, la comptine numérique renforce la mémorisation. En variant les canaux de mémorisation, cela permet de stimuler toutes les zones du cerveau. Si par exemple, la comptine numérique énoncée a une mélodie, cela stimule l’hémisphère droit et pas seulement le gauche, celui du langage. La comptine numérique est donc un outil de mémorisation intéressant à utiliser avec les enfants.
En plus, d’être un aide-mémoire, l’apprentissage de la comptine numérique permet également de développer et de renforcer les compétences de mémorisation.
Grâce à cette activité, la mémoire est ainsi travaillée de différentes façons :
- par contiguïté : énoncer un mot déclenche le mot suivant ;
- à long terme : quand il s’agit de récupérer et d’énoncer un nombre à partir d’un nombre donné ;
- de travail est sollicitée par exemple quand le nombre suivant change de dizaine. Par exemple, 40 après 39.
Pour développer des compétences numériques
Posons les choses : connaître la comptine numérique ne veut pas dire savoir dénombrer. Si votre enfant connaît la suite orale des nombres jusqu’à 10, cela ne signifie pas qu’il est capable de compter une collection d’objets et de vous dire combien il y en a. C’est une autre compétence, le dénombrement, qui est d’ailleurs développée simultanément.
La comptine numérique est en fait une première étape dans les apprentissages mathématiques. Car derrière cette activité, en apparence anodine, se développent et se travaillent plusieurs compétences numériques.
En effet, l’enseignement des comptines numériques permet d’atteindre plusieurs objectifs :
- mémoriser la suite orale des nombres, nous l’avons vu.
- segmenter les mots-nombres en tant qu’unités en les séparant par des mots ou par des phrases.
- surcompter, décompter
- associer le mot-nombre à une quantité (à un nombre de doigts par exemple)
- utiliser les nombres pour exprimer un ordre
- se familiariser avec les notions d’additions et de soustractions
- augmenter tout doucement l’ordre de grandeur des nombres
- stabiliser la suite orale des nombres et donc la suite numérique
On sait désormais grâce à des travaux en sciences cognitives, que les enfants ont, dès leur plus jeune âge, des compétences intuitives en matière de quantités et de leur expression par des nombres à l’oral. On sait également que l’acquisition de la suite orale des nombres et son utilisation dans le processus de quantification (par reconnaissance immédiate de petites quantités, comptage ou estimation), sont déterminantes dans la construction numérique. Or ces acquisitions se font entre 2 et 6 ans. On voit bien le rôle essentiel de l’école maternelle dans la construction du nombre.
La lecture de notre article Pourquoi est-il indispensable de faire des maths en maternelle ? vous intéressera sûrement.
Donc savoir dire la suite des mots-nombres va permettre à votre enfant de dénombrer, de compter des objets sans en oublier ou sans en ajouter.
Notez que les enfants doivent savoir compter oralement jusqu’à 30 en fin de maternelle. Les enseignants veillent donc à augmenter l’ordre de grandeur des nombres employés dans les comptines numériques entre la petite section et la grande section.
Si vous souhaitez en savoir plus, découvrez notre article : comment l’enfant apprend-il les nombres ?
Comment utiliser les comptines numériques ?
En structurant leur apprentissage
L’entraînement avec les comptines numériques doit être régulier. Elles doivent faire partie du quotidien de l’enfant. Il est très facile de les réciter, de les travailler et de les renforcer à divers moments plus ou moins ritualisés : au coin regroupement, lors des déplacements, en salle de motricité.
Mais elles doivent également faire l’objet de séances d’apprentissage dédiées et être considérées comme de vraies activités mathématiques.
Nous l’avons vu peu avant, elles contribuent à l’apprentissage des différentes représentations des nombres (à la chaîne orale en l’occurrence).
Leur enseignement nécessite donc une programmation dans le temps ainsi qu’une progression dans leur difficulté comme pour l’ordre de grandeur des nombres et l’introduction de nouvelles habiletés (ordre croissant/décroissant ; augmentation/diminution).
En utilisant des supports pour l’apprentissage des comptines numériques
Selon le type des comptines apprises, l’usage des supports suivants pourra en renforcer la compréhension et la mémorisation :
- les doigts
- des illustrations
- des gestes ou des mimes
- des livres à compter, etc.
Il est important de diversifier ces supports qui permettront de travailler les différents types de mémorisation mais aussi de multiplier les habiletés nécessaires à la construction du nombre. En effet, grâce à une comptine, un enfant associera un mot-nombre à une quantité représentée par nombre de doigts alors que grâce à une autre, il associera un mot-nombre à une quantité représentée par l’illustration d’une collection d’objets par exemple.
En variant les modalités d’apprentissage des comptines numériques
On estime qu’un enfant maîtrise la suite orale des mots-nombres, c’est-à-dire la suite numérique, lorsqu’il est capable de la réciter :
- dans l’ordre sans ajout ni omission
- jusqu’à un nombre fixé à l’avance
- en la segmentant, c’est-à-dire en intercalant des mots
- à rebours
- à partir d’un nombre autre que « 1 ».
Il est donc essentiel de varier les types des comptines et les modalités d’apprentissage. Les enfants apprécient ces petits entraînements ludiques quand il s’agit de « compter dans tous les sens ». Vous pouvez lui demander d’énoncer la suite numérique à l’endroit, à l’envers, à partir de n’importe quel nombre, en s’arrêtant, en reprenant. On peut énoncer un mot-nombre chacun son tour, c’est-à-dire en alternant.
Veillez à ce que votre enfant articule bien les mots-nombres, qu’il prenne le temps de bien détacher correctement les mots, à ce qu’il n’aille pas trop vite dans la récitation.
Vous pouvez proposer également aux enfants de vivre corporellement l’énoncé de la suite numérique en salle de motricité. Benjamin Stevens conseille même de compter en marchant : à chaque pas, l’enfant dit un mot-nombre. Le mouvement aidera certains enfants à se concentrer et à mémoriser : on stimule alors la mémoire kinesthésique.
Enfin, Benjamin nous donne un conseil très intéressant : ne pas habituer trop longtemps les enfants à utiliser leurs doigts pour énoncer la suite numérique, car ils en auront besoin pour pointer les objets quand il s’agira de dénombrer une quantité.
La comptine numérique est donc un support très intéressant pour initier les enfants aux apprentissages mathématiques. Derrière une activité ludique et motivante se cache un outil puissant pour faire mémoriser la suite orale des nombres aux plus jeunes et pour les mener vers les activités de dénombrement de quantités.
Son apprentissage doit être organisé, régulier et varié pour qu’il soit le plus optimal possible. Tous les moments du quotidien, que ce soit à la maison ou en classe, se prêtent facilement à l’entraînement alors, ne vous en privez pas ! Et n’oubliez pas d’encourager votre enfant à chaque moment. Quand plaisir, motivation et confiance en soi sont au rendez-vous, on fait de grandes choses !
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